La Bible exceptée, pourrait-on dire comme en clin d’œil, pas un livre qui ait eu autant d’influence sur le monde et le destin des hommes que Le Capital. Et pourtant qui a lu cette somme, d’ailleurs inachevée, aboutissement de 20 ans de travail lors de sa première parution en 1867 ? Ensevelie sous les gravats de l’Histoire et du communisme en débandade, la grande œuvre de Marx ? Eh bien, ce spectacle qui porte crânement le nom du livre mythique et méconnu, part d’un autre postulat. Il fait sienne cette étonnante appréciation du grand germaniste Jean-Pierre Lefebvre dans sa préface à la réédition de 1993 : «Le Capital est un insolite opéra, à mi-chemin de Büchner et Wagner, autant que de Shakespeare et Brecht. Il met en scène le vampire occidental dans sa force historique, sa violence organique, ses ruses infinies, sa prodigieuse aptitude à épouser, jusque dans les catastrophes inconcevables, l’apparence de la nécessité naturelle, à renaître de ses cendres, à vivre si goulûment de la mort elle-même». Et si ce n’est pas un matériau de théâtre, cela… Alors, théâtre, ce spectacle le sera. En grand : vingt acteurs sur une scène installée, en position bi-frontale, entre deux gradins de spectateurs, «une comédie pure, dure» a prévenu Sylvain Creuzevault, qui, dans le très beau Notre Terreur, avait déjà démonté les rouages de la terreur révolutionnaire. Et de la terreur tout court à la terreur économique, le chemin n’est pas si long. Un des grands rendez-vous du festival.